« Je voltige dans l'air léger,
Je me balance au bout des branches,
Je suis un petit flocon ~ »
Comptine de Noël

Muscles en action, saillant sous sa fourrure épaisse et noire, la louve traquait en silence sa proie du jour : un Tauros isolé de son troupeau par les soins de la prédatrice. Il s'agissait d'un jeune mâle d'à peine quelques semaines et sa chair serait donc encore juteuse et tendre comme elle la préférait. Il se fatiguait de plus en plus mais la louve était tenace et endurante grâce à ses nombreuses années de cavale et de vie sauvage. À pas mesurés, elle le rejoignit et fit claquer ses mâchoires près de la croupe du boeuf qui beugla de terreur pour finalement se retrouver bloquer dans un cul-de-sac qui, sans la course effrénée qu'ils venaient de faire, n'aurait pas été un obstacle pour lui. Nyaka se tapit sur le sol face à lui et s'apprêta à mettre fin le plus vite possible à ses souffrances, n'étant pas une adepte de la chasse pour tuer. Elle gronda avant de fondre sur le bovin qui, contre toute attente, lui asséna un puissant coup de corne qui la fit rouler sur le côté. Sonnée et surprise, la louve se releva avec un gémissement douloureux juste à temps pour le voir charger et l'esquiver. Bon... Finalement, il n'était pas si épuisé que ça le petit ! Elle claqua ses crocs férocement et se rua sur lui pour lui planter les crocs dans la gorge jusqu'au sang. Elle sentit très vite sa gueule se remplir d'un liquide au goût de fer et frissonna sous l'adrénaline qui montait en elle. Elle resserra sa machoire mais dans un élan de désespoir, le boeuf tenta de se dégager de sa prise en se laissant tomber sur le côté, l'écrasant de toutes ses tonnes. La louve ne lâcha pas mais couina sous la douleur, prise d'un violent tremblement. Heureusement, il se releva et fit quelques pas avant de s'effondrer, mort.

Nyaka desserra l'étreinte de ses crocs sur le jeune mâle et recula de quelques pas, haletante et souffrant d'un belle entaille tout le long de son flanc droit et sans doute d'une patte foulée dans la bagarre. Une côte ou deux de cassées aussi mais cela se rétablierait vite si elle restait sous cette forme. Affamée, elle posa délicatement son museau contre la tête de l'animal et récita mentalement une prière à Arcéus pour que le jeune tauros repose en paix avant de s'attaquer à son festin.

Quelques minutes passèrent pendant qu'elle déchiquetait à coups de crocs la viande chaude et tendre du jeune mâle quand tout à coup, un bruit lui fit relever la tête. Elle se lécha les babines et huma l'air pour trouver la provenance de ce son qui avait résonné contre les parois terreuse du cul-de-sac. La région était réputée dangereuse et Nyaka n'y était revenue que dans un unique but : se rendre à un endroit bien particulier qui l'avait marquée à vie. Peu à peu, elle recula de quelques pas, cherchant l'odeur de l'intrus, un mauvais pressentiment envahissant son être peu à peu, raidissant ses muscles endoloris. Elle n'était pas apte à livrer bataille de nouveau... Soudain elle le vit : Un Crocorible de haute taille à l'air menaçant et bien déterminé à voler sa proie à la louve. Celle-ci, orgueilleuse et fière, changea radicalement d'attitude. Elle l'avait chassée, elle la garderait ! Claquant des mâchoires, le colosse s'approcha de la carcasse mais Nyaka se rua sur lui pour lui asséner un coup menaçant comme pour signifier : "Tu touches, t'es mort." Mais ce fût une grosse erreur. Le croco sembla trouver en la louve une proie bien plus intéressante à déchiqueter qu'une simple dépouille à moitié consommée. Elle n'eut pas le temps de fuir qu'il la frappa de sa queue, lui faisant faire un vol plané à travers la petite cuvette de roche pour finalement atterrir contre la paroi de celle-ci avec un gémissement de douleur. Abasourdie et cette fois grandement blessée, Nyaka ne parvint que difficilement à bouger mais pendant ce temps, le monstre était arrivé à sa hauteur.

- Rah, dégage, abruti ! Lâcha-t-elle furieusement.

Il ne sembla pas apprécier l'insulte -s'il l'avait comprise...- et l'attrapa entre ses crocs puissants, la faisant hurler de douleur. Il était littéralement en train de broyer sa patte avant et ne semblait pas vouloir lâcher prise. Dans un élan de courage, elle fit une attaque Coup bas et parvint à le faire lâcher, s'écroulant sur le sol dans un couinement pitoyable. Tremblante, animée par l'adrénaline que la douleur faisait monter en elle, Nyaka reprit forme humaine et courut le plus vite possible loin de la bête. Sous sa forme originelle, avec la blessure de sa patte avant, elle n'aurait jamais pu fuir. Finalement, quand elle s'arrêta enfin de courir, la jeune femme était près d'une ville et en proie à un état de faiblesse avancé. Elle se traîna donc jusqu'aux portes de la petite bourgade, tremblante et boitant, le bras gauche brisé et serré contre elle, ensanglanté. Le peu de personnes qu'elle croisa lui lancèrent des regards mauvais sans même lui prêter attention : une Pokemon incapable de se transformer entièrement, une honte !

Après quelques minutes de marche, de lutte intérieure, Nyaka finit par perdre peu à peu ses esprits et s'écrouler dans un coin de la ville, inanimée.

Des flammes. Des cris. Des rires sadiques.
Elle court, elle court toujours plus vite qu'elle le peut.
Elle se terre, elle tremble, elle pleure.

Un sursaut, un gémissement, une forte douleur. Nyaka ouvrit les yeux, se maintenant les côtes, le souffle court. Où était-elle ? Que faisait-elle ici ? Elle ferma les yeux et tenta de se souvenir de ce qui était arrivé. Elle se souvenait de sa bataille contre le Tauros puis l'arrivée du monstrueux crocodile mais la suite restait floue. Elle avait couru jusqu'à une ville et ensuite... trou noir. Elle fronça les sourcils, caressant du bout des doigts la fine couverture qui couvrait son corps puis observa la pièce dans laquelle elle venait de s'éveiller. Une chambre inconnue. Quelqu'un l'avait-il recueillie ? Elle, la sauvage ratée ? Elle regarda son buste bandé, ses plaies recousues, le bras gauche portant une atelle et de quoi le maintenir immobilisé et se demanda qui était le bienfaiteur ayant aussi bien pris soin d'elle. Tout à coup, elle redressa les oreilles en entendant des pas se rapprocher et une odeur envahir peu à peu la pièce.

Un jeune homme àpeine plus grand qu'elle, svelte et... bleu apparut devant elle, l'air joyeux et la dégaine totalement décontractée. Aussitôt, la louve se mit sur ses gardes et montra inconsciemment les crocs à son entrée dans la pièce, comme un réflexe incontrolable dû à ses nombreuses années de cavale dans le monde sauvage où seule la loi du plus fort gouverne. Il lança alors une phrase qui la laissa... totalement perplexe et décontenancée. Une faim de loup, hein ? Quel humour. Haha.

Nyaka couina d'incompréhension et lui jeta un coup d'oeil sarcastique. Elle n'aimait pas parler et n'en avait d'ailleurs pas l'habitude dans un monde où tout ce qu'elle croisait, c'était des Pokemon primitifs. Elle gronda vaguement puis voulut se mettre debout pour partir mais c'était sans compter les courbatures et son corps endolori. Elle tituba et manqua de tomber, se rattrapant au jeune homme, l'entraînant même dans sa chute maladroite. Ils heurtèrent le sol et Nyaka resta assise sur ses fesses, un peu hébétée.

- Pardon... Balbutia-t-elle de sa voix légèrement rocailleuse et douce à la fois.

Elle recula contre le mur, se recroquevillant sur elle-même, totalement perdue dans cet environnement qui n'était pas le sien, avec un inconnu qu'elle n'avait jamais rencontré, terrifiée par son incapacité à effectuer le moindre mouvement correct. Avait-elle failli mourir pour se retrouver dans un tel état ? Elle coucha les oreilles en arrière et se roula en boule aussi bien que le lui permettaient ses côtes et son bras cassés. Mal à l'aise, elle ne savait plus où se mettre pour échapper à cette peur qui lui ténaillait le ventre. Elle n'avait plus croisé de Pokemon humains depuis de nombreux mois et la civilisation n'était pas son fort. Ni la politesse. Ni le dialogue. Elle sentit les larmes étreindre sa gorge mais aucune ne se versa, elle ne savait même plus pleurer. Serrant son poing dans ses cheveux, son regard aussi rouge que le rubis qu'elle n'osait poser sur celui qui semblait pourtant ne lui vouloir que du bien, elle se mit à gronder faiblement comme pour se rassurer, se basculant d'avant en arrière. Elle était en proie à une peur terrible.

Finalement, après de longues secondes, comprenant que de toutes manières, elle ne pouvait pas s'enfuir, elle se décida à répondre :

- O-o-oui... Nya a faim...

Sa queue s'enroulant autour de ses jambes, elle attendait les moqueries qui viendraient bien vite. Terrifiée, ne parvenant pas à parler correctement, incapable de se transformer totalement, elle était un bon sujet pour rire de quelqu'un.